Jeunes filles des fabriques..
La pluie qui clapote doucement contre la vitre du vasistas. Ici, je me suis aménagé une petite cabine de pilotage d'écriture. Un emplacement où il est possible d'avoir une vision, comme le recommande Stephen King dans son livre d'anecdotes et de conseils pour les écrivains.
Passé le week-end à relire consciencieusement "Les jonquilles de Green Park" pour la nouvelle sortie chez Pocket prévue au début du mois de juin. Rectifié deux trois choses, et ajouté deux notes en bas de page, des références que je n'avais pas pris la peine d'expliquer lors de la première parution chez Laffont, me disant que ça nuirait peut-être à la fluidité du récit et que de toute façon ceux qui savent comprendront, mais c'était une erreur car il est toujours plaisant d'apprendre des choses ou de connaître la signification de certains clins d'oeil que fait l'auteur surtout quand on peut le faire de manière décontractée.
J'avais aussi dans l'idée de supprimer la citation de Fitzgerald que j'ai traduite et mise en épigraphe parce qu'elle induit une mésentente sur l'âge du héros. Il a 13 ans quand il raconte son histoire mais bien 12 au moment où il la vit.
La tranche d'âge qui entre dans la considération de Fitzgerald correspond tout juste à celle de mon héros.
Voici la phrase : « On sait seulement que, quelque part entre treize ans, majorité du petit garçon, et dix-sept, où il est devenu une sorte de faux jeune homme, il existe une période où, d’heure en heure, on oscille entre deux univers – sans cesse poussé en avant dans des aventures sans précédent, se débattant en vain pour retrouver le temps où l’on n’avait pas de comptes à rendre. »
En fait c'est la guerre qui fait atteindre sa majorité à mon petit garçon de douze ans.
Pour qu'il n'y ait pas de méprise je voulais la remplacer par une phrase de Jacques Prévert que j'ai découverte après la première publication des Jonquilles chez Laffont, lisant une intégrale de son oeuvre en Pléïade et tombant, dans un texte qui s'intitule : "Charmes de Londres", sur cette phrase extraordinaire de par son écho avec mon récit :
"Jeunes filles des fabriques
avec notre malheur faites de gaies chansons (...)"
Dans "Les jonquilles de Green Park" la mère de Tommy travaille dans une usine et rapporte à la maison des chansons (qu'elle ne fabrique pas à l'usine mais qu'elle chantonne matin et soir pendant ses trajets à vélo)
La première fois que j'ai lue cette phrase de Prévert j'ai jubilé de cette heureuse coïncidence qui venait en quelque sorte adouber mon invention, mon personnage de la maman de Tommy, et j'ai tout de suite pensé à l'incorporer en deuxième épitaphe ou en prélude à un chapitre s'il y avait une deuxième publication. Et puis, comme aucun des chapitres n'a de citation en ouverture et que même si au final elle m'ennuie un peu sur la concordance d'âge je tenais à garder la citation de Fitzgerald, du fait que je suis tellement dingue des nouvelles du cycle Basil et Joséphine de Fitzgerald dans lequel il narre les aventures d'apprentissage sentimental d'un garçon et parce qu'au final cette citation parle parfaitement du sentiment qu'éprouve mon héros plongé dans le désordre des attaques allemandes sur Londres : sans cesse poussé en avant dans des aventures sans précédent, se débattant en vain pour retrouver le temps où l’on n’avait pas de comptes à rendre, j'ai renoncé à utiliser la jolie phrase de Jacques Prévert, tellement retentissante par rapport à mon histoire.
C'était un joli cadeau de tomber sur cette phrase des jeunes filles de l'usine, une fois le livre publié.
Quoiqu'il en soit, ça n'aurait en aucun cas réglé le litige de l'âge et ajouté du nébuleux en plus, car au moment où le récit commence la maman de Tommy n'est plus une jeune fille et entre dans sa quarantième année.
Terminé mes ajouts et corrections, et lutté contre un violent mal de tête qui me prend depuis trois jours à partir de 19h et ne me lâche pas de toute la nuit. Peut-être les promenades au bord de la Manche, dans le vent, la tempête, quand je fais une pause au travail en cours.
Travaillé aussi parallèlement sur des chansons. Toujours beaucoup d'ardeur, jamais aucune garantie.