15 x Patrick Dewaere.
1
Si le music-hall encourage les duos, la vie n’apprend que la solitude.
2
Je voudrais me jeter par la fenêtre.
Mais aussi qu’une fille dont l’odeur me captiverait
Me garde chez elle jusqu’au prochain concert.
3
Le soir où mon père est mort
J’étais en boîte de nuit
A me répandre
A rire aux éclats.
A me faire des copains de tout ce qui avait un visage.
J’aurais du faire attention à la suite funèbre de leurs rires.
4
La rage je la retourne contre moi. Comme un flingue. Il n’y a que la vie que je laisse filer.
5
Béatrice m’avait emmené dîner dans un restaurant où ils passaient de la musique lounge et ils devaient en être fiers.
Quand elle a commencé à découper son steak, je veux dire à s’attaquer à la viande avec ses petites dents et son couteau qu’elle maîtrisait comme un miroir de poche, j’ai tout de suite pensé au récit du suicide de Chamfort pendant la révolution,
la minutie pathétique de ce suicide, un supplice chinois dans la langue de Molière. Le suicide de Chamfort raconté par Camus dans un texte mémorable qui sert souvent de préface aux Maximes et pensées. Caractères et anecdotes.(Folio numéro 1356) . Elle me parlait de ses deux années de prépa puis ses trois ans en fac de physique. Elle ponctuait son récit de « Tu comprends ? » et je ne pouvais pas détacher les yeux du carnage appliqué au steak. Je n’avais plus du tout envie de me la faire. Je ne pouvais pas passer après le steak. Qui a envie de passer après un steak ? Elle m’a demandé à quoi je pensais et je lui ai parlé du suicide de Chamfort. Elle en a laissé tomber son couteau :
- Oh merde ! Je savais pas ! J’adorais ses chansons. Manureva et les autres je me rappelle plus les noms mais j’adorais ses chansons ! »
6
Cela fait je ne sais pas combien d’années que j’ai la sensation quotidienne d’avoir un caillou dans une de mes chaussures, mais les médecins et les femmes, qui à priori s’y entendent à nous voir tout nu, prétendent que c’est juste mon cœur qui bat.
7
J’ai volé de l’or
Pour quelqu’un qui avait le cœur en forme de passoire
Alors j’ai tout pris à mon compte
Dans un souffle.
Et j’ai eu le cœur gros
Jusqu’à ce que j’arrive
A bout de forces
Au bord de la rivière.
Ployant sous la charge
Cédant à la pente
Emporté par mon rapt.
Je l’ai vue se retourner
Dans un dernier reflet
Où je me suis blotti.
Les gens ont dit : noyé.
8
Mal être (conjugaison).
Je suis mal
Tu m’allais
Tu m’as lié
Nous mal sommes.
Vous mal être
Ils s’en foutent.
9
J’ai planté avec vous quelques clous
J’ai eu des histoires avec vous
J’ai participé du début à la fin à la construction
Et quand l’édifice a été ouvert au public
J’étais très joyeux.
Puis un jour je me suis écarté un peu
Pour voir quelle gueule ça avait
Et je suis parti
Au milieu de vos représentations.
10
Par exemple je n’aurais pas pu jouer dans Bullitt, parce qu’avec moi la voiture n’aurait jamais démarré.
11
Les photos sont traîtresses
Elles veulent prendre un instant pour une totalité
Mais la plupart du temps j’échappais aux images.
Je préfère que vous ne vous souveniez pas de moi
Plutôt que me trahir.
Une jeune femme m’a dit : je voudrais vivre avec vous.
En fait elle voulait juste faire une photo. Suffit de décrypter.
12
J’ai beau me dépasser je ne me resitue pas.
13
La vitesse en toute chose.
Se laisser griser vaut toutes les couleurs.
La vitesse et même si elle mène plus rapidement au désespoir qu’il y a derrière le mot : FIN.
14
Mourir aux autres comporte le risque de renaître à soi-même.
Mourir à soi-même comporte le risque de mourir tout court.
15
Je viens d’avoir Lysa au téléphone. Tandis que le soir tombe je comprends que c’est encore une nuit qui m’échappe. Dans cette vie de merde. Une nuit qu’elle ne passera pas dans mes bras. Je reviens, le cœur et les pensées chamboulés, m’asseoir à côté de Claire et de Stéphane qui papotent tranquillement. Voyant ma mine défaite, ébouriffée, et mon air dur, difficile, Stéphane s’exclame :
- Jérôme à l’instant c’est fou ce que tu ressembles à Patrick Dewaere ! On dirait que tu t’apprêtes à franchir le rubicond ! »